La photo de rue est un exercice qui peut parfois s'avérer complexe : on se confronte au regard des autres, on ne sait pas toujours où donner de la tête face au tumulte de la ville, et on peut très vite tomber dans des lieux communs…
Les guides-photographes d’ATYPIC’, livrent ici leurs conseils de pro et leurs sources d’inspiration, pour une petite virée dédiée à la photo de rue.
1. savoir attendre et provoquer un « moment décisif »
Le « moment décisif », c’est le terme fréquemment employé pour illustrer les clichés et l’approche de la photo de rue du maître du genre, Henry Cartier Bresson. Mais comme tout, un moment décisif, ça se provoque ! Un mur taggué très graphique ? Une lumière rasante qui sublime une rue ? Attendez qu’il se passe quelque chose dans ce décor qui vous interpelle : une personne qui passe à vélo ? Des passants à la marche symétrique et graphique ? C’est l’instant décisif !
« En photo de rue, il faut avant tout être patient, s’imprégner d’un lieu et d’une atmosphère pour pouvoir le restituer à sa manière. Il m’arrive parfois de rester une heure au même endroit avant de faire une image qui me convient, qui reflète pour moi l’esprit du lieu. » Maud C.
2. OSER photographier
Une belle personne ? Un style percutant ? Un personnage déroutant ? Vous ne perdrez rien à lui demander de faire son portrait ! 9 fois sur 10, la personne accepte, surtout si vous lui proposez en retour de lui faire parvenir l’image et la rassurez sur son usage non commercial (pensez à vous promener avec des cartes de visite avec vos coordonnées).
N’hésitez pas à lui dire, de manière très sincère, ce qui vous interpelle chez elle et ce qui vous pousse à la prendre en photo !
« Une de mes premières photos de rue, j’avais 13-14 ans, j’étais avec mon père… Il y avait la silhouette d’une fille à travers une sculpture en demi-lune, mais je n’osais pas déclencher… Et puis mon père m’a convaincu, en me disant que je n’avais rien à perdre : c’est une des premières photos dont j’ai été fier ! C’est aussi la porte ouverte à de belles rencontres, comme un jour avec un petit grand-père à Montpellier : je lui ai demandé si je pouvais faire son portrait, puis on a discuté et il m’a fait visité son quartier... Nécessairement, ce genre d’approche, ça donne du sentiment aux images qui en ressortent, de l’épaisseur… » Bastien G.
3. Se contorsionner : varier les points de vue, se détacher de la vision "à hauteur d’homme"
Une photo de rue originale, c’est souvent une image qui diffère de ce que l’on voit à hauteur d’homme. Il ne faut donc pas hésiter à varier les points de vue, pour se détacher de ce que l’on voit habituellement à notre hauteur. La photo, c’est aussi apprendre à se baisser (les trottoirs offrent souvent des lignes de fuite intéressantes), à adopter des points-de vue plongeants en s’aidant du mobilier urbain… Lorsqu’il fait très beau et que le soleil dessine des ombres bien tranchées, on peut d’ailleurs jouer sur les ombres portées, c’est souvent très graphique !
4. Savoir s'inspirer auprès de photographes qui nous touchent
« L’inspiration, il faut savoir la provoquer, l’alimenter… Pour mon travail, le photographe le plus inspirant est sans nul doute Moriyama : c’est un artiste japonais, il a beaucoup travaillé autour de la photo sociale et de la street photography, avec pour arrière-plan de chacune de ses images, l’évolution des mœurs dans la société japonaise… La clé, c’est de trouver un ou plusieurs photographes qui nous inspirent personnellement, qui nous touchent » Bastien G.
5. Faire attention à sa mise au point : elle doit être choisie et non laissée au hasard !
La mise au point, c’est l’élément qui sera net dans votre image. En mode « auto-focus » (AF), par défaut, la mise au point se fait généralement au milieu de votre image (cela correspond au petit carré qui s’allume quand vous visez). Mais souvent, pour des images visuellement impactantes, la mise au point est un peu décentrée, décalée… Il est possible de déplacer ce « carré » de mise au point soit avec les flèches directionnelles de son appareil photo, soit en appuyant à mi-chemin sur son déclencheur pour « fixer » cette mise au point sur notre sujet et ensuite décaler très légèrement l’appareil pour placer ce sujet où on le souhaite dans notre cadrage (pas nécessairement au milieu !).
« La mise au point, c’est un choix : si vous laissez votre appareil réaliser la mise au point seul, cela peut gâcher une photo car l’élément l’élément clé de votre image peut se retrouver flou sans le vouloir… Sur la plupart des smartphones, vous pouvez choisir où vous souhaitez faire votre mise au point en déplaçant au doigt le petit carré de mise au point, c’est très utile et très simple ! » Nora H.
6. Soigner son arrière-plan
« Il est important de bien choisir son arrière-plan, de ne pas le laisser au hasard ! Un sujet intéressant en mouvement : déclenchez au moment où il se détache le mieux de son arrière-plan ! (sur un fond uni, sur un mur…). Il faut éviter les arrière-plans peu lisibles qui viennent compliquer la lecture de l’image. » Maud
« Il faut également être vigilant à la couleur et à l’intensité lumineuse de notre arrière-plan : par exemple un arrière-plan très blanc, très clair, va attirer notre œil… et peut desservir votre sujet. » Nora H.
7. Scruter les recoins de votre image avant de déclencher pour éviter tout élément intrusif
« Naturellement, l’œil humain est très sélectif : il a souvent tendance à se focaliser sur ce qui nous intéresse et à oublier tout ce qui est autour ! Au moment de déclencher : oubliez un instant votre sujet et regardez dans les 4 coins de votre cadre, pour voir si une poubelle ou autre élément disgracieux ou en désaccord avec l’esprit de votre image se serait immiscé. On n’a pas toujours le temps en photo de rue, mais si on peut le prendre, c’est essentiel ! » Nora H.
8. Ne pas se fier à son écran pour trier ses images, surtout en pleine rue et en plein soleil !
« L’écran d’un appareil photo n’est généralement pas tout à fait fidèle, en termes de couleurs, de luminosité… et d’autant moins en pleine rue ! Même si c’est tentant, même si vous n’avez plus beaucoup de place sur votre carte mémoire, évitez l’éditing de vos images sur le vif ! Généralement, l’éditing, c’est quelque chose qui se fait dans de bonnes conditions de visualisation, à froid, après votre sortie photo, voire deux semaines après pour prendre du recul. » Nora H.
9. Architecture, plongées et contre-plongées : anticiper les déformations et jouer avec les lignes et la composition
« L’architecture est un élément clé de la photo de rue, comme sujet en tant que tel ou comme décors pour vos sujets. Mais pris à hauteur d’homme, un bâtiment va nécessairement apparaître déformé… Il est donc clé d’anticiper ces déformations, parfois disgracieuses, et de jouer avec, comme des lignes graphiques ! On va par exemple pouvoir placer l’arrête d’un bâtiment dans un coin de notre image, et la faire ressortir à un tiers du bord opposé… » Nora H.
10. Laisser faire le hasard ?
« Ma petite technique dans la photographie de rue c'est d'avoir mon appareil autour du cou, avec mes bras croisés par-dessus et une main qui accède au
déclencheur. J’essaye d’anticiper et d’imaginer ce que voit mon appareil, je règle ma mise au point à 2 mètres environ, et lorsqu’un élément intéressant surgit à 2 mètres devant moi, je déclenche
discrètement. Ensuite, le travail d’editing et de tri est essentiel, mais il en résulte souvent un travail très intéressant et surprenant. Et on retrouve un peu les sensations
excitantes de l’argentique, de devoir attendre un petit laps de temps avant de voir le résultat de sa prise de vue ! Et ça marche aussi pour la vidéo : j’ai filmé de cette manière dans
les marchés couverts au Pérou pour le film Inka Gates que j’ai réalisé avec Yann Rolland. Bastien
G.
ATYPIC' photo, ce sont des visites dans le Paris insolite, aux côtés de guides-photographe. Un apprentissage de la photo de rue, dans le contexte d'une balade. Des balades ouvertes à tous (tous niveaux, tous types d'appareils), y compris aux accompagnants sans appareil photo.
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